L’IA secoue le marché de l’emploi en Chine
- marchesglobauxhec
- il y a 1 jour
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La Chine est l’un des premiers pays auxquels l’intelligence artificielle vient combler un manque structurel d’emplois. La réputation quant à la soif chinoise de gains en productivité se fait ressentir davantage, elle qui essaie de rester compétitive dans le domaine émergent de l’IA tout en l’implantant de manière agressive dans son économie domestique.
Ce contraste entre la baisse démographique du pays et la préoccupation des entreprises à devenir compétitives sème actuellement l’inquiétude en Chine. L’automatisation grandissante des entreprises manufacturières et technologiques pourraient en effet menacer près de 77% des emplois chinois (Automation and AI Technologies Imperil Existing Employment in China). Certains experts craignent même un point dans les cinq prochaines années où le taux de chômage chinois pourrait atteindre 10 à 20% (CNBC's The China Connection newsletter: AI hits an already weak jobs market).
Outre, les développements numériques de l’IA menaçant des emplois, l’industrie manufacturière chinoise a mis les bouchées doubles pour combler le manque de main d’œuvre. Selon IDC, la proportion d’entreprises industrielles chinoises qui déploient des grands modèles (large models) et des agents intelligents est passée de ~ 9,6 % en 2024 à ~ 47,5 % en 2025. Celles qui utilisent ces technologies dans plusieurs domaines opérationnels ont augmenté de ~1,7 % à ~35 %.
Devenir un empire sans assez de main d’œuvre
La baisse substantielle de natalité des dernières années dans le pays est un des facteurs clés qui perturbe ses élans économiques actuels. Cela se traduit par une érosion de la population active ayant diminué de près de 7 millions de personnes entre 2022 et 2023, faute du vieillissement de la population (Navigating China’s Evolving Labor Market in 2025). Et les projections de cette tendance ne sont pas ferventes d’un renversement de la situation.

Moteur de croissance, mais frein de main-d’œuvre
Cette mutation technologique dépasse largement le simple passage au numérique : elle transforme en profondeur la structure du marché du travail chinois. L’intelligence artificielle, érigée en priorité nationale, est désormais perçue comme la clé de voûte de la productivité et de la compétitivité du pays. Pékin mise sur son intégration à grande échelle, dans l’industrie, les services et la finance, pour compenser la contraction de la population active et stimuler la croissance. Les gains de productivité atteignent déjà 4,9 % entre 2023 et 2024 (PIB par habitant), illustrant la capacité de l’IA à soutenir l’économie réelle malgré la rareté croissante de la main-d’œuvre.
Cette course à l’automatisation s’accompagne toutefois d’un paradoxe : alors que la Chine veut devenir un empire technologique, elle souffre d’une grave pénurie de talents. Le pays manquerait de plus de cinq millions de spécialistes en IA , un déficit qui ralentit l’innovation et accentue la dépendance vis-à-vis de certaines grandes entreprises. Les géants de la tech se livrent une guerre des salaires pour attirer des ingénieurs et data scientists, tandis que les universités peinent à former des profils au rythme de l’évolution des technologies. Ce déséquilibre entre modernisation rapide et rareté des compétences pourrait, à moyen terme, freiner la trajectoire économique chinoise et amplifier les inégalités du marché du travail.
Alors qu’il est clair que la Chine veut perpétuer sa croissance et s’établir comme empire commercial au niveau mondial, les entreprises chinoises n’ont d’autre choix que d’innover technologiquement pour combler le manque de travailleurs sur le marché du travail. C’est notamment le cas avec des développements de technologies d’automatisation des chaînes de production et de l’intelligence artificielle que la Chine veut combler ce manque criant de main d’œuvre. Ces avancées se traduisent par une amélioration mesurable de la productivité et une modernisation accélérée des chaînes de production.
Parmi la population active chinoise, ce sont les jeunes nouveaux diplômés qui écopent le plus. Le taux de chômage des 16-24 ans était de 18,7% en août 2025, une tendance haussière qui n’a pas ralenti depuis les trois dernières années.

Source : Trading Economics, China Youth Unemployment Rate, 2025
En plus des effets de l’incertitude tarifaire et de la difficulté de relance économique de la Chine depuis la pandémie de COVID-19, cette tranche de la population fait face à un enjeu générationnel qu’est l’intégration de l’IA sur le marché du travail. Les secteurs privés et publics auront la responsabilité d’investir en éducation spécialisée en IA, de favoriser la création d’emplois moins vulnérables aux changements numériques et de miser sur un filet social pour contrôler le dommage du changement structurel du marché de l’emploi.
L’IA : une finalité pour la Chine ?
À mesure que la Chine s’impose comme puissance technologique mondiale, l’IA devient à la fois une solution et une menace. L’avenir du marché du travail chinois dépendra de sa capacité à équilibrer innovation et stabilité sociale, en faisant de l’intelligence artificielle non pas un substitut à la main-d’œuvre humaine, mais un levier durable de prospérité collective.
Thierry Ferland, Fatine Moumni